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Excuses du Premier ministre turc pour des exactions antikurdes en 1937-38


Mercredi 23 novembre 2011 à 16h53

ANKARA, 23 nov 2011 (AFP) — La Turquie a pour la première fois présenté ses excuses, par la voix de son Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, pour une vaste opération armée ayant visé à mater une rébellion kurde dans l'est du pays dans les années 1930 et ayant fait des milliers de morts.

"S'il est nécessaire que l'on présente ses excuses au nom de l'Etat (...), je présenterai mes excuses, et je présente mes excuses", a-t-il dit dans un discours devant des membres de son parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) à Ankara.

Citant un document officiel de l'époque, il a évoqué un bilan de 13.806 tués dans les bombardements aériens et terrestres suivis d'exactions et en particulier d'exécutions sommaires dans la province du Dersim, dont le nom a ensuite été modifié en Tunceli, peuplée de Kurdes alevis - une confession musulmane hétérodoxe, proche du chiisme.

M. Erdogan a ainsi brisé un tabou en Turquie sur ces massacres, qui auraient, selon différentes sources, fait plusieurs dizaines de milliers de morts.

La Turquie, également appelée à se confronter à son passé au sujet des massacres d'Arméniens, nie avoir procédé dans les dernières années de l'empire ottoman (1915-1917) à un génocide, qui a fait, selon les Arméniens, plus d'un million et demi de morts dans leur communauté.

M. Erdogan a en outre évoqué un bilan de 11.000 personnes déplacées après les répressions exercées au Dersim.

"Le Dersim constitue l'un des événements les plus tragiques et les plus douloureux de notre histoire contemporaine", a souligné M. Erdogan, estimant que toute la lumière devait être faite "avec courage" sur ce dossier.

Il a aussi appelé le principal parti d'opposition au Parlement, le CHP (Parti républicain du peuple), fondé par Atatürk et qui a gouverné sans partage la Turquie jusqu'en 1946, à assumer ses responsabilités dans cette affaire.

Le CHP est actuellement dirigé par Kemal Kiliçdaroglu, lui-même originaire du Dersim.

"Ceux qui n'ont pas le courage de faire un travail de mémoire sur les pages sombres de leur histoire ne peuvent bâtir d'avenir", a ajouté M. Erdogan.

Récemment, un député du parti de M. Erdogan a proposé de débaptiser l'aéroport international Sabiha Gökçen, du nom de la fille adoptive de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République turque en 1923, qui avait activement participé en tant que pilote aux bombardements du Dersim.

Le leader de la résistance du Dersim, Seyit Riza, et ses camarades, ont été jugés par des tribunaux militaires et exécutés. "Cest une honte, une persécution, un crime", s'était exclamé Seyit Riza devant l'échafaud.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.